Associer les légumes correctement dans son potager afin d’augmenter les rendements est une pratique courante en permaculture et micromaraichage. Cependant, une bonne partie de pratiques d’association se transmettent de jardiniers en jardiniers sans réelles bases scientifiques. Nous allons ici essayer d’y voir plus clair en listant ce qui fonctionne ET ce qui ne fonctionne pas, quelles sont les pratiques qui font une réelle différence et quels sont les trucs à savoir pour éviter les problèmes. Tant que nous y sommes : cassons de suite un mythe : si vous avez de gros problèmes de maladies ou de ravageurs au potager, ce ne sont pas les associations qui sauveront vos cultures. Il faudra trouver la solution ailleurs, dans vos pratiques culturales. Par contre, si vous vous y prenez bien avec les associations, vous produirez BEAUCOUP BEAUCOUP de légumes au mètre carré.
Parmi les pratiques efficaces, on pourra rapidement citer : l’étagement des cultures dans l’espace et le temps, aussi bien concernant l’enracinement que vis à vis des parties aériennes, les rotations de cultures en se basant sur les besoins en nutriments de chaque variétés cultivées ( par ex: ne pas associer les haricots ET les oignons, mais plutôt favoriser les oignons ET les carottes OU les radis et les carottes).
S’ il est possible de s’essayer à des associations de base en recopiant un canva préétabli, il est cependant nettement plus intéressant de comprendre POURQUOI associer tel ou tel légumes au lieu d’un autre.
Essayons d’y voir plus clair avec la visite de notre potager.
L’association de culture : définition, mythes et réalités
Il existe une définition un peu désuète de l’association de culture comme étant le fait de :
-cultiver ensemble des plantes qui s’avantagent et/ou se protègent l’une l’autre
-éviter de cultiver ensemble des plantes nuisibles l’une pour l’autre
On parle alors d’allélopathie positive (bonnes associations) quand les plantes s’entraident (échanges de nutriments, protection contre les nuisibles, …) et d’allélopathie négative (mauvaises associations) lorsque deux plantes se concurrencent ou se nuisent.
Par exemple : on dit que :
- les oignons protègent les carottes de la mouche de la carotte et les carottes protègent les oignons des thrips.
- les oignons et légumineuses ne font pas de bons voisins car les légumineuses sont des fixateurs d’azote et les oignons n’aiment pas les sols trop riches en azote
- Les oeillets d’Inde éloignent les nématodes des tomates
Si certaines de ces associations sont reconnues, beaucoup d’entre elles se transmettent de génération de jardiniers en génération de jardiniers, sans qu’il y ait encore aujourd’hui beaucoup d’études sur le sujet.
Et certains maraichers n’hésitent pas aujourd’hui à remettre totalement en question beaucoup de ces effets allélopathiques, allant même jusqu’à dire qu’ils ne voient aucune différence au niveau de leur production. Ces effets sont au mieux considérés comme un plus mais, s’il y a de réels problèmes de maladies ou de ravageurs, les associations ne sauveront pas la situation. Il faut alors en priorité se pencher sur l’équilibre du sol.
D’ailleurs, beaucoup de ces dires sont souvent exprimés au conditionnel :
-Le cerfeuil rendrait les radis piquants
-La lavande limiterait les fourmis et donc les pucerons sur les rosiers
Les véritables associations de cultures bénéfiques au potager
Mais alors pourquoi en permaculture, en maraichage naturel, en micro-maraichage, on fait malgré tout des associations de cultures ?
Le réel gros avantage qu’on peut retirer de l’association de culture est la densification des cultures : c’est -à-dire le fait de cultiver sur même surface une biomasse bien supérieure à ce qu’on peut faire en monoculture.
Notre définition de l’association de culture sera donc la suivante :
Cultiver, ensemble sur une même parcelle, au moins deux végétaux (plantes compagnes ou plantes intercalaires), de façon à obtenir une densité de plants (nombre de plants au mètre carré) supérieure à la monoculture.
Nous précisons ici aussi qu’il est possible de faire des cultures associées :
- de plantes pérennes
- de plantes pérennes et annuelles
- de légumes annuels
Cet article se consacre à l’association des légumes du potager (légumes annuels).
Association de culture et densification de culture
Comment le fait d’associer les légumes peut-il permettre de cultiver plus de légumes par unité de surface ?
Tout simplement car il y aura un meilleur partage des ressources et une diminution de la concurrence entre les diverses variétés de légumes. On peut donc « serrer » les rangs de légumes et « boucher les trous » entre deux légumes de la même variété par un autre légume ‘une autre espèce.
Les pratiques désuètes à faible rendement
Si, sur 10 mètres carrés, vous ne cultivez que des poireaux, vous devrez respecter une distance importante entre les rangs puisque les plants ont tous les mêmes besoins, les mêmes exigences et les mêmes fragilités. Vous les éloignez donc l’un de l’autre en laissant entre eux un grand vide au niveau du sol. Non seulement, l’espace n’est pas rentabilisé mais en plus le sol peut souffrir s’il n’est pas protégé par les feuillages des légumes ou par une couverture de sol.
Bien associer les légumes au potager pour augmenter vos rendements
Par contre, si vous diversifiez les légumes et que vous mettez ensemble des légumes avec des besoins différents, vous pouvez les rapprocher, les « serrer » puisqu’ils vont pouvoir se répartir les ressources de manière équitable. Vous augmentez votre production au mètre carré et vous entretenez la vitalité du sol qui ne reste pas exposé au soleil et aux intempéries.
Déjà une meilleure façon d’occuper l’espace ici. Les légumes sont cultivés en lignes rapprochées. L’espace de culture est beaucoup mieux rentabilisé et le sol protégé du soleil. A droite sur la photo, on voit du lin dans les rangs de pommes de terre pour éloigner les doryphores.
Un autre exemple : au premier plan de cette photo, on voit les lignes de poireaux et de carottes mélangées, en culture associée. Au centre, des choux qui poussent avec des céleris. Et en arrière plan, les soucis, très bonnes plantes compagnes.
Associations de culture : les avantages
En permaculture et micro-maraîchage, les associations sont conçues avec, toujours pour idée centrale, d’imiter les écosystèmes naturels.
Effectivement, dans la nature, la monoculture n’existe pas. Les écosystèmes trouvent leur résilience dans leur complexification et leur diversité.
Dans nos potagers, les associations de plantes sont avant tout conçues pour :
- Produire plus sur une plus petite surface
- Optimiser la captation de l’énergie solaire
- Optimiser la captation et le partage de l’eau
- Optimiser la captation et le partage des nutriments
- Créer des microclimats (protection contre vent, sécheresse, écarts de température,…)
- Limiter la propagation des maladies, ravageurs et insectes nuisibles par la formation de barrières physiques et chimiques
- Profiter des effets allélopathiques bénéfiques, positifs
- Fournir des plantes hôtes aux auxiliaires utiles (notamment les insectes pollinisateurs)
- Créer et entretenir un sol vivant (notamment par l’augmentation de la biomasse aérienne et racinaire) tout en diminuant le travail du sol et le désherbage
- Créer un écosystème stable et résilient
- assurer des récoltes toute l’année
En monoculture,
-si la culture a subi des dégats, il ne reste rien.
-Les maladies et parasites se propagent vite car tous les plants sont les uns à côté des autres, en compétition
En association de culture,
-si je perds une culture, il me reste les autres
-Les maladies et parasites se propagent moins vite car le mélange des cultures offre une barrière physique et/ou chimique et les légumes sont en collaboration
Associations de culture : les grands principes de base
Nous allons voir dans cette partie comment bien associer les légumes au potager en se focalisant sur différents facteurs :
- l’étagement foliaire
- l’étagement racinaire
- les cycles de croissances
- les familles de légumes
En n’employant un plusieurs de ces facteurs simultanément, on peut aisément créer des associations de plantes harmonieuses et productives.
1) l’étagement foliaire
Associer une plante haute ou une plante basse
Cette association permet de maximiser la captation de l’énergie solaire. En effet, si j’associe, sur une planche, des légumes qui ont tous la même hauteur, ils vont entre en concurrence pour la lumière. Si les feuillages sont étagés, la captation de la lumière est maximisée
Egalement, la densité foliaire protège le sol et la pédofaune d’un rayonnement solaire excessif nuisible
Finalement, un bon étagement foliaire, de par sa densité, maximise la captation de l’eau de pluie (par rapport à un sol moins densément planté et nu) et diminue l’évaporation.
Très concrètement, je peux :
- sur une planche orientée est-ouest : mettre le légumes le plus haut au nord, puis le légume de taille moyenne au centre, et le légume le plus bas au sud
- sur n’importe quel planche : mettre la culture la plus haute au centre, et placer des cultures plus basses de chaque côté de ce rang central. Je peux même ici jouer avec les microclimats et placer les légumes qui aiment la fraicheur à l’ombre du rang central et les légumes qui aiment la chaleur du côté plus exposé, plein soleil.
Sur cette photo, les bandes sont orientées est-ouest. On voit que la taille des légumes est adaptée à l’ensoleillement. Les plus grands légumes au nord et la hauteur des légumes diminue en allant vers le sud
2) l’étagement racinaire
Associer une plante à enracinement profond avec une plante à enracinement superficiel
Cette association permet un meilleur partage des ressources en eau et en nutriments. Les racines profondes peuvent aller chercher l’eau et les nutriments en profondeur (jusque dans les nappes phréatiques et la roche mère pour les arbres). Les racines superficielles récupèrent les nutriments qui viennent de la décomposition de la matière organique plus en surface.
2) Un tissu racinaire dense favorise une microfaune dense et en bonne santé ainsi que la rhizosphère. Ce système racinaire est laissé dans le sol après récolte et fertilise le sol.
La photo ci-dessus illustre bien pourquoi bette et navets s’entendent très bien au niveau racinaire. Le navet occupe essentiellement les 50 premiers centimètres de sol. La racine de la bette est constituée d’ un gros pivot sur ces 50 premiers centimètres et commence ensuite ses radicelles qui peuvent aller très profondément (2 à 3 mètres de profondeur)
3) les cycles de croissance
Ceci est un point souvent négligé et pourtant fondamental de l’association des légumes,
Il faut associer une plante au cycle long avec une ou plusieurs plantes à cycle court. Ainsi, en récoltant rapidement la plante à cycle court, l’espace sur la planche est dégagé pour que la plante à cycle long ait toute la place pour atteindre sa maturité.
Pour bien maîtriser ce facteur, il faut bien connaître les variétés utilisées : hâtives, tardives, etc …
Exemples :
1) Associer des choux brocolis (culture la plus longue et exigeante) en culture principale avec des laitues (cycle plus court). Repiquez les choux tous les 60 cm sur la ligne. Plutôt que de laisser l’espace vide entre les choux, repiquez une laitue entre chaque pied de choux. Ces laitues seront récoltées avant que leur croissance ne soit affectée par les brocolis. Une fois les laitues récoltées, les brocolis auront ensuite toute la place pour terminer leur développement.
2) la très classique association carottes et radis : vous pouvez entre les rangs de carottes semer les radis à cycle court. Ceux-ci germeront très vite alors que les graines de carottes ne sont pas encore levées. Vous récolterez les radis quand les carottes seront encore très petites. Elles auront alors toute la place pour se développer.
4) les familles de légumes
Associer des légumes de familles différentes
Les légumes d’une même famille peuvent avoir des exigences semblables et/ou être sensibles aux mêmes maladies (par exemple, toutes les solanacées sont exigeantes en eau, en nutriments et sont sensibles au doryphores).
Associer des légumes de différentes familles permet de varier les besoins des légumes sur une même planche et de mettre ensemble des légumes avec des sensibilité différentes aux maladies.
Si vous ne connaissez pas les familles de légumes, vous pouvez déjà vous repérer avec cette classification :
-Légumes-racines (carottes, panais, …)
-Légumes feuilles (salades, bettes,…)
-Légumes fruits (Tomates, aubergines, …)
-Légumes bulbes (oignons, ails, échalottes, …)
-Légumineuses – fixateurs d’azote (haricots, fèves, pois, …)
-Légumes tubercules (pommes de terre, topinambours, ocas du pérou, crosnes du Japon, …)
Associer les légumes : définir la culture prioritaire
La culture prioritaire dans une association est la culture qui va être au centre de votre attention : ce sera le plus souvent le légume qui a le cycle le plus long et/ ou les besoins les plus exigeants.
A cette culture prioritaire, on associe des cultures secondaires : souvent des légumes à cycle court ou intermédiaire ou légumes qui peuvent se manger à différents stades de croissance (jeunes betteraves, jeunes choux raves, jeunes choux chinois)
C’est la culture prioritaire qui va déterminer les besoins en compost et en eau de la planche de culture.
Par exemple, si vous associez des salades aux pieds de tomates, vous allez préparer le sol pour accueillir les tomates (en gérant le compost et l’arrosage) et ce sont les salades qui vont s’adapter aux conditions de culture de la tomate.
Associations de culture et rotations de culture
La rotation de culture consiste à éviter de faire pousser un même légume au même endroit pendant plusieurs années consécutives
En monoculture traditionnelle, les rotations sont très importantes pour éviter l’épuisement des sols.
En associations de culture, on est plus permissif …
Puisque différentes sortes de légumes sont mélangés sur une même planche, le concept de rotation n’est plus aussi prédominant. Il le sera encore moins si vous effectuez plusieurs séquences culturales par an sur la même planche.
Néanmoins, il est bien d’en tenir compte un minimum quand même et de faire un minimum de rotation pour
-la culture prioritaire
-les légumes exigeants (exemple : poireaux, …)
-Certaines familles de légumes qui développent plus facilement des maladies si on les met au même endroit deux années d’affilée (exemple : chénopodiacées)
-certains légumes dont les bioagresseurs passent une partie de leur développement dans le sol, en attente que les nouveaux légumes de la saison suivante arrivent (ex : mouches de la carotte, du poireau,…)
Associations de culture : quelques petits plus
Inclure un végétal couvre-sol
Exemples :
-Cultiver des courges sur une butte de trèfle blanc
-Utiliser la bette comme « couvre-sol » au pied d’un fruitier
Inclure un fixateur d’azote dans l’association
Exemple : Faire un rang central de pois, de haricots verts ou autres, de fèves et planter d’autres légumes de chaque côté.
Inclure des plantes qui attirent les abeilles et autres insectes pollinisateurs
Exemples :
-Alliums aux pieds des fruitiers
-Plantes aromatiques ou fleurs au bout des planches de légumes annuels
Associations de culture : les points d’attention et les limites
Un nouvel apprentissage
L’association de culture demande de changer ses habitudes de culture. Cela demande un apprentissage et une gestion peut-être un peu plus complexe que la monoculture. Cependant, comme vous récoltez plus sur votre surface de culture, vous pouvez diminuer celle-ci, profitant d’une économie de temps et d’énergie.
S’organiser
L’association de culture demande un minimum d’organisation et il est préférable d’utiliser des outils de précision (cordeau, gabarit de repiquage, mètre, …). Si vous repiquez vos légumes sans précision, vous risquez soit de ne pas bien rentabiliser l’espace, soit au contraire de planter trop dense et de perdre les récoltes.
Pensez aussi à l’ergonomie pour la récolte. Avoir une mini jungle à la maison, c’est super mais, si à chaque récolte, vous devez vous mettre à quatre pattes ou vous enfoncer dans la brousse, cela peut être fatigant et décourageant sur le long terme
La qualité du sol
Au plus vous densifiez les cultures, au plus le sol doit être riche et vivant. Il faut donc avoir des objectifs modestes lorsque vous allez associer les légumes les premières années, surtout si vous démarrez d’un sol difficile et peu fertile. Il vaut mieux associer deux ou trois légumes et les réussir que de vouloir tout de suite faire des associations complexes et perdre les récoltes car le sol ne peut pas assurer une telle densité.
La gestion de l’eau et de l’humidité
Plus les légumes sont serrés, plus ils vont retenir l’humidité. Il faut donc bien respecter les moments de récoltes des cultures secondaires. Si vous laissez trop longtemps une culture secondaire et que le légume devient trop gros, l’excès d’humidité peut entraîner des problèmes de pourriture.
Ainsi parfois le calibrage des légumes est légèrement inférieur à la monoculture. Mais, sur l’ensemble de la planche de culture, vous allez récolter une biomasse bien supérieure à la monoculture.
Le cas des légumes racines
En fonction de la densification, le calibrage des légumes est parfois un peu inférieur aux gros légumes d’hiver. La densification va surtout bien fonctionner pour les légumes plus jeunes, frais et croquants. Si vous souhaitez, surtout pour les légumes racines, faire de gros légumes que vous allez mettre en conservation, vous êtes bien obligés de leur laisser un peu plus de place.
Associations de culture : jusqu’où densifier ?
La densification des cultures suit une courbe de gauss classique. Lorsque vous densifiez, la récolte augmente de façon exponentielle. Puis vous atteignez un sommet. Et si vous dépassez ce sommet, vous allez connaître une phase d’écroulement des récoltes.
Il est donc important de bien connaître la capacité de son sol, sa technicité. Le seuil maximal de densification pour associer les légumes dépend également d’autres facteurs comme le microclimat, les précipitations et le taux d’humidité, etc … Cela peut donc varier aussi d’une année à l’autre en fonction des conditions climatiques.
Il faut bien réfléchir aussi aux variétés utilisées et aux stades de développement souhaités.
C’est donc important de se fixer des objectifs progressifs. Si vous n’avez jamais fait d’associations, commencez par des choses simples avec 2 ou 3 légumes maximum. Puis, quand vous verrez comment vos cultures se comportent, vous pourrez tenter des associations plus audacieuses. Associer les légumes n’aura finalement pas été si compliqué 🙂 A vous maintenant !